Tout était parti d’un MOOC sur l’hydrologie dans lequel on enseigne des équations très intéressantes, fondées sur des observations statistiques.
Ceci bien sûr pour les sujets liés au ruissellement des eaux de pluie, à la gestion de l’eau de pluie afin d’éviter les inondations et à tout ce qui est dimensionnement des ouvrages de récupération des eaux pluviales (réseaux publics, réseaux d’assainissement, caniveaux, collecteurs, ouvrages de stockage temporaire, etc.), afin d’éviter la saturation des systèmes d’assainissement des eaux usées en aval.
Dans l’article précédent, le pessimiste se demandait si ces coefficients ne risquaient pas, à terme, de se révéler inutilisables, en raison des changements climatiques qui multiplient les épisodes de très fortes pluie. Avec tout ce que cela ajoute de complexité en milieu urbain.
Il est temps de se demander ce qu’en pense l’optimiste.
Dans la tête de l’optimiste
” Lorsqu’on s’intéresse aux caractéristiques des bassins versants, remarquera cet oeil critique, on évoque un coefficient de ruissellement dont la production théorique est liée à un organigramme relativement complexe. On y évoque l’écoulement retardé, l’interception par la végétation, l’évapo-transpiration, parfait !
Mais au final, on se servira de coefficients provenant de constats effectués çà et là et bombardés dans les tableaux en annexe de ces cours.
Pourquoi ces tableaux ne changeraient pas d’ici à quelques années ? En mieux ?“
Oui, en mieux. Avec des zones urbaines qui verront les eaux de surface s’écouler ailleurs que vers la voirie, s’infiltrer dès que possible dans de petits espaces reconstitutant l’écosystème des zones humides, où sera ainsi optimisé l’effet “évapotranspiration” des végétaux, il y a toutes les raisons de voir les choses positivement.
Déjà, sous l’effet du changement climatique, les arbres poussent plus vite.
L’augmentation des niveaux de CO2 dans l’atmosphère ont en effet, à court terme, des effets bénéfiques sur la végétation.
Depuis 30 ans, les terres végétalisées ont gagné de 25 % à 50 % de couverture foliaire tandis qu’à l’inverse, seulement 4 % des sols ont vu décliner leur végétation. Au total, ce « verdissement » récent concerne 18 millions de km², soit deux fois le territoire des États-Unis !”
Questions logiques
Comment l’algorithme qui calcule les coefficients de ruissellement et la caractéristique des bassins versants tient-il compte de ce paradoxe ?
Ne le sous-estime-t-il pas ? Ne nous oblige-t-il pas au final à exagérer le dimensionnement de nos installations ?
On ne sait pas encore ?
On ne parvient pas de nos jours à modéliser tout cela ?
Mais d’ici à quelques années, avec tout ce que peut l’intelligence artificielle, ne parviendra-t-on pas à calculer avec un peu plus de précision la capacité d’absorption de la végétation et à limiter un peu le besoin en bassins de rétention tout au long du cheminement des ruissellements ?
N’exagère-t-on pas un peu trop les risques ?
Ce que dira sans doute ce MOOC dans quinze ans
Il est fort probable que le sentiment donné par ce MOOC (et par l’omni-présence à travers lui de l’instruction technique de 1977) du caractère immuabledes équations, renvoyant à des algorithmes extérieurs le calcul du coefficient-clé de la formule, aura disparu.
Il est tout à fait probable que ni l’optimiste ni le pessimiste n’auront eu tout à fait raison, ni tout à fait tort non plus. On aura sans doute changé d’ici là, de perspective.
Le problème central “quelle largeur faut-il à mon tuyau ?” se sera transformé.
Ce ne sera plus le thème central du cours. On lui aura substitué la question “quel volume mon système est-il en mesure de gérer ?”
Le système en question étant constitué de tout facteur qui contribue à la gestion d’un phénomène pluvial intense : infiltration, retardement, évaporation, évapo-transpiration, etc.
Certes sur chaque élément du système (bassin de rétention, noue drainante, dalle drainante, terrasse végétalisée, etc.) , les calculs ne se seront pas simplifiés.
En tout cas sur le plan théorique. Les équations se seront encore plus affinées. Mais elles relèveront aussi de spécialités connexes. Telles que la botanique.
Logiciel Faveur
Que l’on songe, par exemple, au logiciel Faveur du Cerema.
Il est d’ores et déjà en mesure de calculer le coefficient de ruissellement d’une toiture végétalisée en fonction …. du type de végétal mis en oeuvre (sedum, graminées ) !
Oui, le type de végétal présent à proximité d’un ouvrage pourra demain être déterminant dans le ruissellement, en tout cas, tout autant que la nature du sol qui semble, à l’heure actuelle, la seule chose qui intéresse les tableaux de calcul des coefficients de ruissellement dans les cours officiels.
C’est une différence de taille. C’est ce que semble indiquer la recherche TVGEP, menée par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et qui a abouti à la mise en oeuvre de l’outil Faveur.
Et c’est ce qu’indiquent nos propres recherches, chez ECOVEGETAL.
En travaillant sur nos propres prototypes de simulateurs de pluie, nous sommes en mesure de mesurer concrètement ces coefficients de ruissellement.
Nous utilisons cet outil principalement pour l’étude des projets de parking perméables permettant de rendre maximale la perméabilité et l’absorption des eaux pluviales à la parcelle. Et ce, qu’il s’agisse de parking engazonné ou de parking à utilisation intensive, conservant un revêtement minéral en surface.
Nous stockons les données, les mettons à disposition de la recherche et nous sommes persuadés que ces data, comme on dit aujourd’hui, auront demain, dans ce type de cours ou de MOOC une importance équivalente aux noms des ingénieurs chercheurs tels que Manning, Strickler, Gauckler.