Les mouvements de terrain ont souvent une origine en commun : l’eau. Les changements climatiques annoncent donc une augmentation de ces mouvements en profondeur des sols en pente. Et donc des catastrophes
Un morceau de roche se décroche et entraîne avec lui un pan de montagne qui vient s’écraser dans la vallée. Des coulées de boues qui gonflent et emportent les routes, les ponts, les habitations. Les sols qui se fissurent, le glissement de terrain qui fend les maisons, voire ensevelit des villages…
Ces scénarios inquiétants de mouvements de terrain ne sont malheureusement pas réservés aux films catastrophe. La plupart sont aléatoires et imprévisibles, mais certains – comme les glissements lents – sont étudiés en profondeur, scrutés, pour prévenir et limiter les dégâts. Et qu’il s’agisse d’éboulements, de coulées de boue, d’affaissements ou de glissements, un facteur commun s’impose : l’eau. Le manque d’eau qui dessèche les sols et rend la roche friable. Les précipitations abondantes qui emportent tout.
Cela pose forcément la question : le changement climatique va-t-il accentuer ces phénomènes ? Faut-il s’attendre à des glissements de talus récurrents qui rendront les routes impraticables et les reliefs invivables ? Pourra-t-on les prévenir efficacement ?
Quels sont les mouvements de terrain connus et leurs dangers ?
Entre le talus qui glisse progressivement et la falaise qui s’effondre, tous les mouvements de terrain n’ont pas les mêmes effets ni les mêmes causes. On ne les prévient pas de la même façon.
En fait, on devrait parler de “mouvements de terrain” en général, le glissement n’étant qu’un cas particulier de ces mouvements. Il y en a d’autres : tassements, solifluxions, éboulements, retraits, gonflements, etc. Ce sont aussi des mouvements.
D’un côté de l’axe les mouvements lents. Insidieux, on les remarque moins, pourtant ils peuvent provoquer des dégâts importants sur les bâtiments. L’affaissement, le tassement, glissement, solifluxion, retrait ou gonflement du sol, peuvent se produire sur des semaines, voire des années. Ce qui permet aux experts de mieux les étudier.
De l’autre, les mouvements lents et spectaculaires : effondrements, éboulements, etc.
Le glissement de terrain est un type de mouvement. En général, il est lent : il correspond au déplacement d’une masse de terre vers le bas d’une pente sous le poids de la pesanteur. Ce mouvement peut être de quelques millimètres par an seulement. Par la suite, il peut descendre de plusieurs mètres par jour, lorsque le phénomène s’accentue. C’est à ce moment-là qu’il produit des dégâts considérables. Et qu’il passe de l’autre côté du spectre des mouvements.
Il y a donc aussi des glissements de terrain correspondant à des mouvements rapides et catastrophiques.
Cela se remarque plus fréquemment dans les zones montagneuses situées sur une ceinture tropicale, ou bien les régions impactées par la mousson ou des précipitations soudaines et abondantes. Alors que le glissement de terrain (mouvement lent) est généralement classé dans la catégorie des événements à faible ou moyenne gravité, son impact est souvent plus violent dans ces régions (Inde, Amérique centrale notamment).
Qu’est-ce qui provoque un mouvement de terrain ?
Un talus ou un sol en pente, naturellement soumis à la gravité, peut se mettre à glisser vers le bas pour différentes raisons (ou différents « forçages »). Naturels ou d’origine humaine, ces effets mécaniques ajoutent une nouvelle contrainte au talus ou lui retirent une certaine résistance, créant ainsi le mouvement :
• Les précipitations : l’eau agit de différentes façons sur les sols en pente. Elle vient par exemple modifier la cohésion des matériaux d’un talus, avec un effet d’autant plus ravageur qu’on aura choisi des matériaux à faible cohésion ;
• L’alternance des passages de gel et dégel, qui déstabilise les matériaux ;
• À l’inverse, une sécheresse prolongée peut tasser un sol (sol argileux, par exemple, qui gonfle brusquement sous l’impact de nouvelles précipitations ou d’eaux abondantes) ;
• Des vibrations sismiques ;
• Des glissements entre les couches du sol ;
• L’érosion des sols et sous-sols et la dissolution de matière, qui crée du vide (terrain sableux ou gypseux, par exemple), donc des effondrements ;
• S’il s’agit d’une construction humaine, une inclinaison de talus trop forte par rapport à la pente naturelle du sol ;
• Une mauvaise évaluation des équilibres de poids : c’est par exemple le bâtiment, le muret ou le poids additionnel posé en tête de talus, qui vient surcharger et déséquilibrer l’ouvrage ;
• Les cavités d’origine humaine (carrières, caves, mines...) ;
• Des travaux, rejets d’eau, irrigation, déboisement et autres actions anthropiques.
Quelques exemples : quand les choses tournent au désastre naturel
Au XXe siècle, 8 à 10 000 morts ont été provoquées en moyenne chaque année par des glissements de terrain à travers le monde. Peu d’événements spectaculaires ont eu lieu en France ou en Europe, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne pourraient pas se produire bientôt…
Si les glissements de terrain sont généralement lents et limités sur la distance, ils peuvent aussi donner lieu à des événements spectaculaires.
Un sommet du Huascaran, au Pérou, a connu le glissement de terrain le plus meurtrier, en 1970. Un séisme a d’abord déstabilisé une falaise granitique déjà fracturée et surmontée de blocs de glace. Dans la chute, l’énergie cinétique a fait fondre la glace, provoqué des écoulements longs et tué des milliers de personnes.
Plus récemment, un phénomène similaire s’est répété dans le district de Chamoli (Inde), en 2021. Un glissement de terrain a provoqué le détachement d’un bloc de roches couvertes de glace. Les mêmes effets se sont produits, formant une vague de 200m de haut qui a dévalé les pentes montagneuses à plus de 200km/h, ravagé de nombreuses installations et causé plusieurs morts.
Et des catastrophes à venir…
Glissements, éboulements, les experts (BRGM entre autres) surveillent de près certaines régions et territoires français. C’est le cas du Cirque de Salazie, à La Réunion, où le terrain avance d’un mètre par an environ. On étudie l’infiltration des eaux en sous-sol et le ruissellement en surface qui accélèrent la dégradation, et les risques accrus pour les habitations.
D’autres alarmes pèsent sur la région de Grenoble. La ville même craint les possibles chutes de roches et les éboulements, aujourd’hui répertoriés dans son PLU. À quelques kilomètres de là, les ruines de Séchilienne qui se meuvent menacent d’éboulement depuis le milieu des années 1980. 3 millions de m3 pourraient se déplacer, coupant la route départementale en bas de la vallée, et créant un barrage naturel dont les eaux pourraient noyer tout un territoire en amont.
Même s’ils sont toujours mieux étudiés et compris, ces phénomènes restent encore en partie imprévisibles. D’autant plus qu’ils évoluent sous les aléas météorologiques.
Le changement climatique, grand coupable des glissements de terrain ?
Les précipitations ayant une incidence-clé sur les mouvements de terrain, il est certain que le changement climatique en sera un accélérateur.
C’est déjà le cas aujourd’hui, avec des épisodes de pluies intenses et soudains qui surviennent de façon plus aléatoire. Ils peuvent provoquer entre autre une érosion brutale et concentrée, un gonflement du sol, une dissolution ou un délitement des matériaux avec le ruissellement qui vient décrocher des particules voire des roches et, selon la puissance des eaux ruisselées, créer des coulées de boues.
À l’opposé, les périodes de sécheresse prolongées fragilisent les sols, les rétractent et les rendent plus vulnérables aux précipitations qui suivront.
Toutefois, on ne peut pas rejeter toute la responsabilité sur le climat. Le facteur humain bouleverse aussi le comportement des sols (expansion de l’habitat, exploitation des ressources géologiques, activité touristique, etc.). Il faut donc bien considérer la nature des sols, l’hygrométrie et l’activité humaine sur le site, pour prévoir et limiter au mieux les risques de mouvements de terrains.
A qui la faute ?
Sur un chantier, l’erreur humaine peut avoir des conséquences directes dès le démarrage des travaux et sur toute la durée de vie de l’ouvrage. Glissement de terrain, effondrement de talus, ils se produisent quand :
• Absence d’études géotechniques en prévision du chantier et lors de la réalisation des travaux. Ce travail qui permet de connaître la nature des sols et des sous-sols limite les risques pendant les travaux et les risques à venir (glissement, tassement, fissure, éboulement, effondrement…).
• Études insuffisantes ou peu approfondies : présence d’eau souterraine non détectée, sous-estimation de la poussée des terres, mauvaise analyse des matériaux présents (roche, schiste, quartz…), mauvaise évaluation de l’état et de la stabilité des infrastructures à proximité (bâtiment, route…), etc.
• Méconnaissance des techniques, de la méthodologie et/ou de la sécurité par les entreprises qui réalisent le talus.
Il reste toujours bien plus intéressant de commander ces estimations à un bureau d’études (à peine 1% du budget de construction), que de compenser les dégâts. Un glissement de talus sur un chantier peut s’avérer 20 fois plus coûteux pour le maître d’ouvrage.
Effondrement, ravinage, etc., signifient responsabilité du maître d’ouvrage, et pour l’usager une nouvelle salve de travaux, voire une lourde compensation des dégâts en cas d’impact sur des activités ou résidences à proximité (et s’il n’y a pas de victimes).