Le dernier plan biodiversité du gouvernement d’Edouard Philippe vise la sauvegarde de la biodiversité. S’il n’est pas gonflé de mesures coercitives pour forcer tout le pays à protéger la planète, il vient toutefois renforcer des mesures qui affectaient déjà le monde du bâtiment. Comment s’y adapter?
Plan biodiversité : les grandes lignes
Le plan veut faire apparaître la biodiversité dans les contrats d’échanges commerciaux. Il souhaite même qu’elle constitue 40% du budget européen. Il veut empêcher qu’aucun projet allant à son encontre ne puisse être financé par l’Union. En France, il renforce le cadre législatif qui visait à générer de la biodiversité ou à la protéger. Pouvoir de contrôle accru pour les préfets, attention portée au secteur du bâtiment plus qu’ailleurs…
Autant se remonter les manches car il y a du travail : la biodiversité a intégré la Constitution, il est temps qu’elle intègre nos modes de production. Car si 75% des citoyens français se disent concernés par le facteur écologique, ils ne savent pas pour autant comment y contribuer. Aussi, un secteur d’impact social comme le bâtiment joue-t-il un rôle charnière dans cette mise en action collective.
Plus précisément, la biodiversité fera désormais partie des conditions des futurs plans urbains, puisque ce nouveau Plan Diversité a comme but majeur une artificialisation des sols réduite à… zéro !
Objectif : oeuvrer pour des villes plus résilientes, et compenser au maximum l’impact du bâti sur la biodiversité, en rendant d’un côté ce que l’on empiète sur les espaces naturels de l’autre. .
Que trouve-t-on dans le plan Biodiversité qui touche le secteur du bâtiment ?
Le bâtiment fait partie des 4 filières d’accompagnement prioritaires que veut cibler le gouvernement pour réduire l’empreinte sur la biodiversité d’ici à 2022.
Parmi les actions proposées dans cette politique, on trouve en premier lieu la création de nouvelles Agences régionales de la biodiversité, qui mettent en réseau les acteurs du secteur pour permettre notamment d’optimiser la résilience des villes. En travaillant à lutter contre les îlots de chaleur en milieu urbain, et en faisant de l’agriculture une alliée par exemple. Ces agences jouent un rôle-clé dans la pensée du bâti urbain, qui doit désormais pouvoir participer à la préservation d’une biodiversité positive, en intelligence avec la présence des espèces de faune et flore locale.
Par ailleurs, les collectivités de plus de 100 000 habitants sont incitées à mettre en œuvre un plan nature en ville, pour favoriser l’accès des habitants aux espaces naturels. Ce qui implique donc de repenser peu à peu les schémas de mouvements interurbains. Avec, là, encore, une nécessité de travailler main dans la main avec les ARB, pour respecter une mesure complémentaire du plan qui interdit l’utilisation de plantes invasives dans l’aménagement urbain d’ici 2020.
L’un des points de ce plan renforce une mesure déjà conséquente de la loi Alur : l’obligation pour les espaces de stationnement d’être perméables. Un parking en centre urbain renforce l’impact du réchauffement climatique, aussi ce plan d’urbanisme renforce-t-il le plafonnement des surfaces de parking, en adjoignant à ses mesures un renforcement du contrôle par les préfets ainsi qu’un cadre réglementaire autour de l’aménagement commercial.
L’objectif central de ces mesures est d’arriver à réduire à zéro l’artificialisation des sols. C’est-à-dire ne plus étendre le territoire bâti (habitations, surfaces commerciales, aménagements collectifs…) sur l’espace naturel ou, à défaut, générer son équivalent en biodiversité ailleurs. Sur des toits ou des murs végétalisés ou des parkings verts (perméables, comprenant des espaces de biodiversité, des noues drainantes, par exemple).
Comment appliquer le plan biodiversité sans s’arracher les cheveux
De fait, une partie de ces mesures était déjà présente dans la loi Alur. Avec la question des parcs de stationnement, déjà limités par la loi SRU à 1,5 fois la surface du bâtiment commercial, et à 0,75 par la loi Alur. Tout cela entrait déjà dans un programme de gestion du PLU centré sur la bonne gestion de la biodiversité en ville. Et la loi Alur encourageait déjà les projets favorisant une biodiversité positive, en créant des exceptions pour les parkings perméables.
Désormais, ils sont obligatoires à Paris et partout en France. L’enjeu est donc de changer le revêtement du parking qui, au lieu de laisser ruisseler les eaux de pluie, permettrait leur absorption retardée par le sol et favoriserait leur évapo-transpiration, pour limiter les inondations, neutraliser les particules polluantes et et réduire l’effet îlot de chaleur.(Est-ce possible dans votre cas ? Voir notre article sur les 3 questions + 1 à se poser)
Trois mesures du plan appliquées en une construction saine : l’introduction de solutions vertes en centre-ville permet non seulement de limiter l’impact du réchauffement climatique et de ses catastrophes naturelles, mais aussi de recréer une partie de la biodiversité en voie de disparition. Il s’agit tout simplement de rétablir un équilibre par petites touches au coeur des ville.
Une solution qui s’applique aussi aux toits et aux façades végétalisés, où une faune et une flore spécifiques peuvent être réintroduites en milieu urbain. L’exemple de “coulées vertes” dans plusieurs villes de France a aussi montré qu’un mobilier très simple pouvait suffire à ramener de la vie et du vert dans des espaces jusque-là perméables. Comme des maisonnettes en bois, ou des piles de bois mort, qui peuvent accueillir une population de chauve-souris autrefois très présente en milieu urbain, mais dont la France a perdu 50% entre 2006 et 2014.
Comment créer de la biodiversité efficace ?
Pour qu’il ne s’agisse pas simplement de respecter des mesures contraignantes, il faut que les constructions nouvelles soient pensées en amont, et que leur impact soit durable.
Ce qui signifie, par exemple, un choix de matériaux responsables, tout autant en accord avec les visées du Plan Biodiversité, qui réfléchit aux impacts des importations sur la biodiversité, et pas juste au niveau national. La compétitivité du granit importé de Chine ou du bois d’Afrique centrale n’est-elle par annulée par leur impact négatif sur la biodiversité ? Il faudra vérifier.
Le soutien des ABR et autres bureaux d’études ou cabinets de conseils spécialisés dans ce domaine peut offrir un bon aperçu des données exactes de la biodiversité locale et régionale, pour une solution d’aménagement intelligente, sans que vous ayez vous-même à vous plonger dans l’étude des cartes d’habitats et espèces régionales.
L’enjeu est aussi de recréer un écosystème aussi varié qu’il pourrait l’être à l’état sauvage (ou ce qui s’en approche le plus). Il n’est donc pas question d’utiliser partout en France les même végétaux et minéraux, mais de diversifier les gîtes et les milieux ambiants où pourront aussi bien se développer de nouveaux végétaux comme des insectes, oiseaux et petits mammifères. Cela s’aménage en variant les substrats (sable, terre, cailloux) et les éléments naturels que l’on peut intégrer dans leur environnement immédiat (bois, roche…).
Les plantes choisies pour végétaliser un toit ou une façade comptent aussi beaucoup par leur diversité, qui permettra de polliniser les espaces alentours et de donner vie à une biodiversité presque autonome, en milieu urbain.
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Comment mesurer l’impact de ces actions ?
S’il est difficile de mesurer immédiatement la portée de ces constructions perméables et responsables, certains de leurs effets se voient rapidement. Comme le retour de certaines espèces animales notables, oiseaux et insectes, notamment.
Plan biodiversité : les oiseaux reviennent en ville
Ce sont des oiseaux migrateurs qui reprennent le chemin des centres-villes où des zones vertes leur permettent de s’arrêter sur leur trajectoire, par exemple. Le retour des insectes peut, lui, paraître pénible voire nuisible à l’homme mais il est signe du retour d’une biodiversité plus équilibrée dans un espace urbain qui les élimine peu à peu. Ce sont de grands pollinisateurs et, par leur présence, ils assurent l’équilibre d’un microcosme que l’on n’observe que rarement aujourd’hui dans l’espace public.
De même, la présence de plantes qui résistent et se maintiennent en milieu auparavant trop hostile, est un marqueur important de cet impact vert. Liées à une “désimperméabilisation” des sols, elles génèrent un phénomène de respiration des sols essentiels, notamment pour absorber le carbone produit massivement par l’homme. Une étude montrait qu’entre 1965 et 2015, les sols de la planète sont parvenus à absorber et renouveler tout juste un quart de notre carbone. En participant à un bâti qui recrée de la biodiversité positive, on participe à l’élimination de cette pollution et, de fait, à limiter l’actuel réchauffement climatique.