Suite et fin de notre article sur les raisons d’installer un potager sur des terrasses végétalisées et de se lancer dans l’agriculture en terrasse.
Un potager sur une terrasse végétalisée n’est plus une question de mode. Cela doit correspondre à un vrai projet, dont les motivations peuvent être variées. Pourquoi installer un potager sur votre toit ou votre terrasse ? Voici 4 raisons possibles (2ème partie).
3. Le potager thérapeutique
De nombreux établissements de soin ou des maisons de retraite s’intéressent aujourd’hui à la mise en place de potagers thérapeutiques.
Ce qui fonctionne pour améliorer le bien-être en entreprise (voir la première partie de notre article consacrée au corporate gardening) fonctionne tout aussi bien pour des patients affaiblis ou des séniors dont il convient d’entretenir la vivacité des sens à travers des activités.
Dès 1982, les scientifiques ont remarqué que des patients dans les hôpitaux se remettaient mieux lorsque leur fenêtre donnait sur un jardin. Le développement de l’hortithérapie et des jardins thérapeutiques ne cesse de se confirmer. Les établissements spécialisés Alzheimer l’appliquent sous forme de “jardins des cinq sens”.
Pierre Georgel, président d’ECOVEGETAL raconte dans la vidéo ci-dessous qu’au Québec, c’est un médecin lui-même qui a prescrit à une de ses amies atteinte d’une maladie sérieuse le loisir de s’adonner à un potager.
“Aujourd’hui, elle se rend compte qu’elle a un autre rapport au temps, explique Pierre Georgel. Le fait de prendre ce quart d’heure, cette demi-heure quotidienne et d’avoir cherché à rendre ce potager beau (il est installé sur la parcelle devant chez elle), donc à associer fleurs et légumes, a modifié, elle et son mari, leur vie sociale, et leur équilibre.”
La demande en jardinage dans l’univers de la santé est dans une période de forte croissance. Et là encore, le potager installé sur le toit fait partie de la panoplie des possibles.
La clinique Pasteur, à Toulouse, est un exemple parfait. Elle a créé un potager sur le toit de son Atrium : 500 m2 de fruits, légumes et aromates qui sont entretenus et cueillis par les salariés du Club jardinage. Les produits du potager sont ensuite préparés par les cuisiniers pour les besoins de la clinique.
4. Un potager pour l’agriculture urbaine
Elle pèse déjà 2500 emplois dans la région de Bruxelles, 33 hectares lui seront dédiés à Paris avant 2020, des startups de premier plan réinventent en ville une production sans pesticides et sans transport avec des rendements jamais connus.
L’agriculture urbaine n’a plus rien d’une mode. C’est un nouveau secteur de l’agriculture qui émerge, auquel devront s’adapter les bâtiments de demain. Ce qui changera beaucoup de choses dans la façon d’habiter la ville.
Pierre Georgel, anticipe ce qui se prépare : “Aujourd’hui, c’est l’agriculture qui revient dans la ville. Pour que la ville soit à nouveau un lieu de production. Y aura-t-il assez de place en ville pour nourrir tout le monde ? Raisonnablement, on a envie de dire non. L’ensemble des toitures ne suffira pas à nourrir les habitants de toutes les villes. Cependant, on peut très bien imaginer que l’on va apporter 5,10,15% des besoins. Cela paraît peu, mais en fait, c’est considérable et cela change beaucoup du point de vue social. Cela veut dire qu’on va connaître un agriculteur qui produit sur place, que l’on a se retrouver entre jardiniers qui cultivent sur de petits lopins d’une même terrasse, que l’on va découvrir de nouveaux modes de production urbains (un conteneur, …). Cela crée du lien social beaucoup plus fort et un lien d’appropriation : c’est produit là où j’habite !“
Pourquoi l’agriculture urbaine va se développer fortement?
Pascal Hardy, un ancien consultant en stratégie et organisation estime lui que l’agriculture pourrait couvrir la totalité des besoins. Il faudrait pour cela cultiver avec de nouvelles techniques, dont celle de l’aéroponie. Il installe ainsi sur les toits des colonnes de salades (ou d’autres plantes) afin d’économiser l’espace, nourries au goutte à goutte afin d’économiser l’eau. L’important selon lui étant que l’on puisse cueillir la salade au moment où elle est à maturité et où elle a le meilleur goût. Bien sûr les nutriments et eaux qui alimentent la plante et qui sont versés dans ce goutte-à-goutte sont tout ce qu’il y a de plus bio.
On comprend donc le phénomène qui est en marche : l’agriculture urbaine n’aura rien d’une petite mode pour bobos des beaux quartiers qui veulent retrouver les émotions de leur enfance quand ils rendaient visite à leurs grands-parents jardiniers. C’est bien au contraire un mode de production qui va construire sa compétitivité sur plusieurs piliers :
- l’utilisation des espaces urbains plutôt que des coûts de transport : si l’on utilise tous les espaces disponibles en ville (murs, Versant de toits, cours, balcons, etc.), la surface est là.
- des rendements supérieurs à ce qui se fait ailleurs. Les rendements obtenus par de la production en bacs sont comparables et même supérieurs à ceux des jardins familiaux de pleine terre (entre 4,4 et 6,1 kg/m2) lit-on dans une étude menée à Agro Paris Tech. Ce sont des résultats proches de ceux des maraîchers professionnels. Certaines techniques laissent espérer des rendements encore supérieurs. Dans cet exemple ici, à Aubervilliers, d’un potager professionnel installé sur le toit d’un centre commercial, les opérateurs affirment qu’ils y sont déjà parvenus.
- les services écologiques rendus. Outre la production de légumes et les économies de transport, apportée par l’agriculture urbaine, celle-ci rend d’autres services écologiques. La préservation du sol contre l’ érosion et la réduction des déchets en sont des exemples (certaines techniques de culture permettront de réutiliser les déchets organiques et d’éviter ainsi leur dépôt encombrant, leur incinération et leur transports : la seule ville de Paris en produit 400 000 tonnes / an). Autre grand service rendu par les terrasses et les murs végétalisés : la lutte contre les îlots de chaleur. Un sujet qui devient une urgence pour la population des grandes villes car l’accumulation de chaleur due à la densification urbaine est un réel danger pour la santé des habitants.
Bref, plus qu’un effet de paysage, l’agriculture urbaine va devenir un nouveau centre d’intérêt des maîtres d’ouvrage dans les années qui viennent. Nombreuses entreprises ou établissements publics chercheront sans doute à exploiter ainsi l’espace disponible sur leur toit et en sous-traiteront l’exploitation. Des commerces souhaitant vendre ce qui est produit sur place sur leur toit ? Des expériences de cette nature sont déjà engagées au Canada. Des entreprises tertiaires souhaitant proposer des circuits courts à leur salariés ? Cette phase a sans doute déjà débuté car c’est l’objectif affiché de certaines expériences de potager dans les entreprises.
La culture en terrasses ou agriculture en terrasse est donc littéralement devenue aujourd’hui une terrasse sur laquelle vont être plantée de la végétation, contrairement aux pratiques découvertes dans les siècles passées qui consistaient à aménager une surface horizontale sur un terrain en pente (vallée, collines, montagnes etc). Cette technique de culture est encore extensivement pratiquée, notamment pour les rizières en terrasses dans de nombreux pays comme les marjades en Catalan, les Philippines, Yémen ou l’ ile de Madagascar, mais exige beaucoup d’entretien des terrasses. Pour les régions et les pays où le manque de terrains et de surfaces, ainsi que le coût de transport sont au milieu des préoccupations, il est ainsi nécessaire de repenser la structure, les systèmes et le développement de l’agriculture dans les zones urbaines.
De nombreux élus souhaiteront faire en sorte que les bâtiments des services publics rendent toujours plus de services écologiques et de services économiques (accompagnement de startups). Paris en donne actuellement l’exemple. On le voit, les projets se multiplient en matière de potager urbain, et plus particulièrement de potager sur les terrasses végétalisées. Il est urgent pour les architectes et pour les gestionnaires d’immeubles de s’intéresser à la manière de rentabiliser le sol urbain par l’agriculture et à la façon dont on cultive les fruits et les légumes.
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